Western sauce soja

The good, the bad and the weird, Kim Jee-Woon, 17 décembre 2008

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The good, the bad and the weird … J’en suis sortie avec l’incapacité de définir si je venais d’assister à un spectacle brillant ou bien à une parodie de western frisant le ridicule. En effet, chaque scène, chaque situation, chaque personnage tangue dangereusement et constamment sur le fil entre génie parodique et bouffonnerie balourde.

Avec quelques journées – voire semaines – de recul,  j’ai finalement échoué côté parodie triomphante. En effet, je crois que, à la Mel Brooks, Kim Jee-Woon, au travers de ce film ironique, caustique et truculent,  rend un hommage absolu au genre cultissime qu’est le western. Il en accentue les codes – déjà très appuyé à l’origine. Avec un méchant, très méchant : regard sombre, visage tailladé, mèche lui masquant un œil et tout de noir vêtu. Extrêmement susceptible, irritable et ombrageux. Un conseil, ne le défiez pas et ne lui laissez jamais entendre qu’il est moins habile qu’un autre. Surtout pas ! Il répondrait par la poudre. Le bon, quant à lui, a les dents excessivement blanches, dégaine plus vite que son ombre et finit en duel face à la brute (et au cinglé, je parlerai alors de truel – pour opérer un petit néologisme – dans la veine de Reservoir Dog tant qu’à extorquer un autre procédé à Tarantino, en plus de sa bande son). En code pastiché, on a également les plans ultra serrés sur les regards, à la western spaghetti,  avec un rendu quelque peu déconcertant- les yeux bridés ne correspondant pas vraiment à l’aspect nébuleux et pugnace que pouvait avoir un Clint Eastwood ou un Lee Van Cleef.

Dans son impitoyable ironie, le bon, la brute et le cinglé est en réalité un film fétichiste du western dans son ensemble. Particulièrement la période Spaghetti. Il en est truffé de références. Le fameux western italien, seconde phase du genre, renouveau impulsé par Leone. Mais le film de Kim Jee-Woon revient aussi sur certains classiques du temps de l’âge d’or Hollywoodien.

A l’image de références à 3H10 to Yuma de Delmer Daves. Au coin du feu, le Bon et le cinglé sont contraint de cohabiter, s’installe alors entre eux une forme de lien forcé, qui devient peu à peu presque familier, pareil à Dan Evans et Ben Wade dans 3h10. Ben Wade, le criminel que dan, le good farmer  est chargé d’amener au train en direction de Yuma et de sa prison. Le hors-la-loi n’est pas si obscur et malveillant, et, déjà, on entrevoit les idées du futur western crépusculaire ou les personnages sont moins stéréotypés. Ils sont plus nuancés, moins manichéens. Avec des bons, un peu cinglé. Des brutes parcourus de plus de failles qu’ils n’y paraissent. Des repentis. Le western crépusculaire le plus abouti – de ce que j’ai pu voir jusqu’aujourd’hui – reste impitoyable d’Eastwood. Avec ce personnage, qu’il incarne, William Munny, ancien criminel repenti qui reprend du service pour venger une prostituée. Un personnage tout en contradiction,  tout à la fois brumeux et incandescent.

Autre référence : il était une fois dans l’ouest. Il y a de multiples renvois à ce chef d’œuvre du genre. J’en retiens deux majeurs. Le duel final qui, dans le film du coréen prend l’allure d’un truel (Quand Tarantino et Leone s’embroutissent).Il y a également la désopilante moquerie du dénouement du film italien avec la révélation de l’identité du « coupeur de doigt » ! Parodie de Charles Bronson et d’Henry Fonda : « Who are you ? » et Bronson de lui placer l’harmonica dans la bouche au moment où il crache ses derniers souffles : Vendetta.

Le film est truffé d’anachronismes, de scènes délirantes, de poursuites-capharnaüm, de clin d’œil au genre. Le tout est si éclaté, siphonné, farfelu que  l’on en ressort tout secoué -d’où ma difficulté à me faire une opinion arrêtée en un instant- et finalement charmé par ce film venu d’ailleurs.

Ce que je retiens en définitive, c’est l’universalité du western. Sa capacité d’adaptation à différents genres cinématographiques (comédie musicale -les kermesses de l’ouest de Joshua Logan-, film burlesque, film noir etc.) et aux différentes cultures et nations. Si le genre est associé aux U.S – son âge d’or se situant sur ces terres des années 30 aux années 60-  son  renouveau s’est fait, paradoxalement, au cœur de l’Europe, en Italie avec pour chef de fil un certain Sergio Leone qui a renouvelé le genre en s’inspirant d’influences multiples dont  des influences japonaises ! Eh oui, parmi ses nombreuses sources, le code voulant la théâtralisation des situations a été directement emprunté à Akira Kurosawa. A ce propos, il faut savoir que le film Pour une poignée de dollars en 64 a été plus qu’inspiré par le film  Yojimbo du maître japonais. Bref le western est un caméléon qui mute et se déplace de contrée en contrée pour mieux se réinventer.

La pellicule s’achève sur l’intitulé « un western oriental ». Pourquoi pas ? Le Western est souverain, insubordonné. Il n’appartient ni tout à fait aux américains, ni aux italiens, ni à quiconque.


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